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son tems. J’ai grand regret que ce doute soit si formellement démenti par l’histoire de Bellérophon dans l’Iliade ; comme j’ai le malheur, aussi-bien que le P. Hardouin, d’être un peu obstiné dans mes paradoxes, si j’étais moins ignorant, je serais bien tenté d’étendre mes doutes sur cette histoire même, & de l’accuser d’avoir été, sans beaucoup d’examen, interpolée par les compilateurs d’Homère. Non-seulement, dans le reste de l’Iliade, on voit peu de traces de cet art ; mais j’ose avancer que toute l’Odyssée n’est qu’un tissu de bêtises & d’inepties qu’une lettre ou deux eussent réduit en fumée, au lieu qu’on rend ce poëme raisonnable & même assez bien conduit, en supposant que ses héros oient ignoré l’écriture. Si l’Iliade eût été écrite, elle eût été beaucoup moins chantée, les rapsodes eussent été moins recherchés & se seroient moins multipliés. Aucun autre poëte n’a été ainsi chanté, si ce n’est le Tasse à Venise, encore n’est-ce que par les gondoliers, qui ne sont pas grands lecteurs. La diversité des dialectes employés par Homère forme encore un préjugé très-fort. Les dialectes distingués par la parole se rapprochent & se confondent par l’écriture, tout se rapporte insensiblement à un modèle commun. Plus une nation lit & s’instruit, plus ses dialectes s’effacent ; & enfin ils ne restent plus qu’en forme de jargon chez le peuple, qui lit peu & qui n’écrit point.


interroge ou si l’on n’interroge pas, au moins dans notre langue. Venez-vous et vous venez ne sont pas la même chose. Mais comment distinguer par écrit un homme qu’on nomme d’un homme qu’on appelle ? C’est là vraiment une équivoque qu’eût levé le point vocatif. La même équivoque se trouve dans l’ironie, quand l’accent ne la fait pas sentir.