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CHAPITRE IV.

Des caractères distinctifs de la premiere langue & des changemens qu’elle dut éprouver.

Les simples sons sortent naturellement du gosier, la bouche est naturellement plus ou moins ouverte ; mais les modifications de la langue & du palais, qui font articuler, exigent de l’attention, de l’exercice ; on ne les fait point sans vouloir les faire ; tous les enfans ont besoin de les apprendre & plusieurs n’y parviennent pas aisément. Dans toutes les langues, les exclamations les plus vives sont inarticulées ; les cris, les gémissemens sont de simples voix ; les muets, c’est-à-dire les sourds, ne poussent que des sons inarticulés. Le Père Lami ne conçoit pas même que les hommes en eussent pu jamais inventer d’autres, si Dieu ne leur eût expressément appris à parler. Les articulations sont en petit nombre ; les sons sont en nombre infini, les accens qui les marquent peuvent se multiplier de même. Toutes les notes de la musique sont autant d’accens. Nous n’en avons, il est vrai, que trois ou quatre dans la parole ; mais les Chinois en ont beaucoup davantage : en revanche ils ont moins de consonnes, À cette source de combinaisons ajoutez celle des tems ou de la quantité, & vous aurez non-seulement plus de mots, mais plus de syllabes diversifiées que la plus riche des langues n’en a besoin.

Je ne doute point qu’indépendamment du vocabulaire & de