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dire j’ai prouvé des choſes si extravagantes, qu’on peut affirmer que je n’ai pu les ſoutenir que par jeu. Voilà un bel honneur qu’ils font en cela à la ſcience qui ſert de fondement à toutes les autres ; & l’on doit croire que l’art de raiſonner ſert de beaucoup à la découverte de la vérité, quand on le voit employer avec ſuccès à démontrer des folies !

Ils prétendent que je ne penſe pas un mot des vérités que j’ai ſoutenues ; c’eſt ſans doute de leur part une maniere nouvelle & commode de répondre à des argumens ſans ſéponse, de réfuter les démonſtrations même d’Euclide, & tout ce qu’il y a de démontré dans l’univers. Il me ſemble, à moi, que ceux qui m’accuſent ſi témérairement de parler contre ma penſée, ne ſe font pas eux-mêmes un grand ſcrupule de parler contre la leur : car ils n’ont aſſurément rien trouvé dans mes écrits ni dans ma conduite qui ait dû leur inſpirer cette idée, comme je le prouverai bientôt ; & il ne leur eſt pas permis d’ignorer que des qu’un homme parle ſérieuſement, on doit penſer qu’il croit ce qu’il dit, à moins que ſes actions ou ſes discours ne le démentent, encore cela même ne ſuffit-il pas toujours pour s’aſſurer qu’il n’en croit rien.

Ils peuvent donc crier autant qu’il leur plaira, qu’en me déclarant contre les ſciences j’ai parlé contre mon ſentiment ; à une aſſertion auſſi téméraire, dénuée éga-