Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

Passer en d'autres mains, et mes projets perdus !

Il faut ouvrir la lettre… Eh ! oui ; mais si je l'ouvre,

Et par quelque malheur que mon vol se découvre,

Valère pourrait bien… La peste soit du sot ! 470 Qui diable le saura ? moi, je n'en dirai mot.

Lisette aura sur moi quelque soupçon peut-être :

Eh bien ! nous mentirons… Allons, servons mon maître,

Et contentons surtout ma curiosité.

La cire ne tient point, tout est déjà sauté ; 475 Tant mieux : la refermer sera chose facile…

Il lit en parcourant.

Diable ! voyons ceci.

« Je vous préviens par cette lettre, mon cher Valère, supposant que vous arriverez aujourd'hui, comme nous en sommes convenus. Dorante est notre dupe plus que jamais : il est toujours persuadé que c'est à Éliante que vous en voulez, et j'ai imaginé là-dessus un stratagème assez plaisant pour nous amuser à ses dépens, et l'empêcher de troubler notre mariage. J'ai fait avec lui une espèce de pari, par lequel il s'est engagé à ne me donner d'ici à demain aucune marque d'amour ni de jalousie, sous peine de ne me voir jamais. Pour le séduire plus sûrement, je l'accablerai de tendresses outrées, que vous ne devez prendre à son égard que pour ce qu'elles valent ; s'il manque à son engagement, il m'autorise à rompre avec lui sans détour ; et s'il l'observe, il nous délivre de ses importunités jusqu'à la conclusion de l'affaire. Adieu. Le notaire est déjà mandé : tout est prêt pour l'heure marquée, et je puis être à vous dès ce soir. »

ISABELLE.