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cesse sous ce voile uniforme & perfide de politesse, sous cette urbanité si vantée que nous devons aux lumières de notre siècle. On ne profanera plus par des juremens le nom du Maître de l’Univers, mais on l’insultera par des blasphèmes, sans que nos oreilles scrupuleuses en soient offensées. On ne vantera pas son propre mérite, mais on rabaissera celui d’autrui; on n’outragera point grossièrement son ennemi, mais on le calomniera avec adresse. Les haines nationales s’éteindront, mais ce sera avec l’amour de la Patrie. À l’ignorance méprisée, on substituera un dangereux Pyrrhonisme. Il y aura des excès proscrits, des vices déshonorés; mais d’autres seront décorés du nom de vertus; il faudra ou les avoir ou les affecter. Vantera qui voudra la sobriété des Sages du tems, je n’y vois, pour moi, qu’un raffinement d’intempérance autant indigne de mon éloge que leur artificieuse simplicité. * [*J’aime, dit Montagne, à contester & discourir ; mais c’est avec peu d’hommes & pour moi. Car de servir de Spectacle aux Grands & faire à l’envi parade de son esprit & de son caquet, je trouve que c’est un métier très-méséant à un homme d’honneur. C’est celui de tous nos beaux-esprits, hors un.]

Telle est la pureté que nos mœurs ont acquise; c’est ainsi que nous sommes devenus Gens de bien. C’est aux Lettres, aux Sciences & aux Arts, à revendiquer ce qui leur appartient dans un si salutaire ouvrage. J’ajouterai seulement une réflexion, c’est qu’un habitant de quelques contrées éloignées qui chercheroit à se former une idée des mœurs Européennes sur l’état des Sciences parmi nous, sur la perfection de nos Arts, sur la bienséance de nos Spectacles, sur la politesse de nos manières, sur l’affabilité de nos discours, sur nos démonstrations