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A ce mot, Claude voyant qu’il y avoit là des beaux-eſprits, eſpéra que l’un d’eux écriroit ſon hiſtoire, & s’annonçant pour Céſar par un vers d’Homere, il dit ;

Les vents m’ont amené des rivages Troyens.

mais le vers ſuivant eût été plus vrai ;

Dont j’ai détruit les murs, tué les Citoyens.

Cependant il en auroit impoſé à Hercule qui est un assez bon homme de Dieu, ſans la fievre qui laiſſant toutes les autres divinités à Rome, ſeule avoit quitté son Temple pour le ſuivre. Apprenez, lui dit-elle, qu’il ne sait que mentir ; je puis le ſavoir, moi qui ai demeuré tant d’années avec lui : C’eſt un bourgeois de Lyon ; il eſt né dans les Gaules à dix-ſept milles de Vienne ; il n’eſt pas Romain, vous dis-je, c’eſt un franc Gaulois, & il a traité Rome à la Gauloiſe. C’eſt un fait qu’il est de Lyon où Licinius a commandé ſi long-tems. Vous qui avez couru plus de pays qu’un vieux muletier, devez ſavoir ce que c’eſt que Lyon, & qu’il y a loin du Rhône au Xante.

Ici Claude enflammé de colere ſe mit à grogner le plus haut qu’il put. Voyant qu’on ne l’entendoit point, il fit ſigne qu’on arrêtat la fievre, & du geſte dont il faiſoit décoller les gens, (ſeul mouvement que ſes deux mains ſuſſent faire), il ordonna qu’on lui coupât la tête. Mais il n’étoit non-plus écouté que s’il eût parlé encore à ſes affranchis[1].

  1. On ſait combien cet imbécille avoit peu de conſidération dans ſa maiſon : à peine le maître du monde avoit-il un valet qui lui daignât obéir. Il eſt étonnant que Seneque ait oſé dire tout cela, lui qui étoit ſi courtiſan ; mais Agrippine avoit beſoin de lui, & il le ſavoit bien.