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qui avoit déjà paſſé les Alpes, il mépriſa de vains délais dont Néron s’étoit mal trouvé.

Le quatorze de mars il chargea le Sénat du ſoin de la République, & rendit aux Proſcrits rappellés tout ce qui n’avoir point encore été dénaturé de leurs biens confiſqués par Néron. Don très-juſte & très-magnifique en apparence, mais qui ſe réduiſoit preſque à rien par la promptitude qu’on avoit miſe à tout vendre. Enſuite dans une harangue publique il fit valoir en ſa faveur la majeſté de Rome, le conſentement du Peuple & du Sénat, & parla modeſtement du parti contraire, accusant plutôt les Légions d’erreur que d’audace, ſans faire aucune mention de Vitellius, ſoit ménagement de ſa part, ſoit précaution de la part de l’Auteur du diſcours : car comme Othon conſultoit Suétone Paulin & Marius Celſus ſur la guerre, on crut qu’il ſe ſervoit de Galerius Trachalus dans les affaires civiles. Quelques-uns démêlerent même le genre de cet Orateur, connu par ses fréquens plaidoyers & par ſon ſtyle empoulé propre à remplir les oreilles du Peuple. La harangue fut reçue avec ces cris, ces applaudiſſemens faux & outrés qui font l’adulation de la multitude. Tous s’efforçoient à l’envi d’étaler un zele & des vœux digne de la dictature de Céſar ou de l’empire d’Auguſte ; ils ne ſuivoient même en cela ni l’amour ni la crainte, mais un penchant bas & ſervile, & comme il n’étoit plus question d’honnêteté publique, les Citoyens n’étoient que de vils eſclaves flattant leur maître par intérêt. Othon en partant, remit à Salvius Titianus ſon frere, le gouvernement de Rome & le ſoin de l’Empire.