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plus méchans ne cherchoient que l’occaſion de piller : la foule ſe laiſſoit entraîner pas ſon goût ordinaire pour les nouveautés, & la nuit empêchoit qu’on ne pût tirer parti de l’obéiſſance des ſages. Le Tribun voulant réprimer la ſédition fut tué de même que les plus ſéveres Centurions, après quoi, s’étant ſaisis des armes, ces emportés monterent à cheval, &, l’épée à la main, prirent le chemin de la ville & du palais.

Othon donnoit un festin ce jour-là à ce qu’il y avoit de plus grande à Rome dans les deux ſexes. Les convives redoutant également la fureur des ſoldats & la trahiſon de l’Empereur, ne ſavoient ce qu’ils devoient craindre le plus, d’être pris s’ils demeuroient, ou d’être pourſuivis dans leur fuite ; tantôt affectant de la fermeté, tantôt décelant leur effroi, tous obſervoient le viſage d’Othon, & comme on étoit porté à la défiance, la crainte qu’il témoignoit augmentoit celle qu’on avoir de lui. Non moins effrayé du péril du Sénat que du ſien propre, Othon chargea d’abord les Préfets du prétoire d’aller appaiſer les ſoldats & ſe hâta de renvoyer tout le monde. Les magiſtrats fuyoient çà & là, jettant les marques de leurs dignités ; les vieillards & les femmes diſperſés par les rues dans les ténebres ſe déroboient aux gens de leur ſuite. Peu rentrerent dans leurs maiſons ; presque tous chercherent chez leurs amis & les plus pauvres de leurs cliens des retraites mal-aſſurées.

Les ſoldats arriverent avec une telle impétuoſité qu’ayant forcé l’entrée du palais, ils bleſſerent le Tribun Julius Mar-