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échapper au vainqueur, il fit paſſer les Troupes des Alliés, & même les peſans Bataillons Légionnaires par les Alpes Pennines, quoiqu’elles fuſſent encore couvertes de neige.

Cependant, au lieu de s’abandonner aux plaiſirs & à la molleſſe. Othon renvoyant à d’autres tems le luxe & la volupté, ſurprit tout le monde en s’appliquant à rétablir la gloire de l’Empire. Mais ces fauſſes vertus ne faiſoient prévoir qu’avec plus d’effroi le moment où ſes vices reprendroient le dessus. Il fit conduire au Capitole Marius Celſus conſul déſigné qu’il avoit feint de mettre aux fers pour le ſauver de la fureur des ſoldats, & voulut ſe donner une réputation de clémence en dérobant à la haine des siens une tête illustre. Celſus par l’exemple de ſa fidélité pour Galba, dont il faiſoit gloire, montroit à ſon ſucceſſeur ce qu’il en pouvoit attendre à ſon tour. Othon, ne jugeant pas qu’il eût beſoin de pardon & voulant ôter toute défiance à un ennemi réconcilié, l’admit au nombre de ſes plus intimes amis, & dans la guerre qui ſuivit bientôt en fit l’un de ſes Généraux. Celſus de ſon côté s’attacha ſincérement à Othon, comme ſi ç’eût été ſon ſort d’être toujours fidele au parti malheureux. Sa conſervation fut agréable aux Grands, louée du Peuple, & ne déplut pas même aux ſoldats, forcés d’admirer une vertu qu’ils haïſſoient.

Le châtiment de Tigellinus ne fut pas moins applaudi, par une cauſe toute différente. Sophonius Tigellinus, né de parens obſcurs, ſouillé dès ſon enfance, & débauché dans ſa vieilleſſe, avoit, à force de vices, obtenu les préfectures