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En pourſuivant lentement ſa route, il conduiſit l’armée sur les confins des Allobroges & des Voconces, & par le plus infame commerce il régloit les ſéjours & les marches ſur l’argent qu’on lui payoit pour s’en délivrer. Il impoſoit les propriétaires des terres & les Magiſtrats des Villes avec une telle dureté, qu’il fut prêt à mettre le feu au Luc Ville des Voconces, qui l’adoucirent avec de l’argent. Ceux qui n’en avoient point l’appaiſoient en lui livrant leurs femmes & leurs filles. C’eſt ainſi qu’il marcha juſqu’aux Alpes.

Cecina fut plus ſanguinaire & plus âpre au butin. Les Suiſſes, nation Gauloiſe, illuſtre autrefois par ſes armes & ſes ſoldats, & maintenant par ſes ancêtres, ne ſachant rien de la mort de Galba & refuſant d’obéir à Vitellius, irriterent l’eſprit brouillon de ſon Général. La vingt-unieme Légion ayant enlevé la paye deſtinée à la garniſon d’un Fort où les Suiſſes entretenoient depuis long-tems des milices du pays, fut cauſe par sa pétulance & ſon avarice dû commencement de la guerre. Les Suiſſes irrités intercepterent des lettres que l’armée d’Allemagne écrivoit à celle de Hongrie, & retinrent priſonniers un Centurion & quelques ſoldats. Cecina qui ne cherchoit que la guerre & prévenoit toujours la réparation par la vengeance, leve auſſi-tôt son camp & dévaste le pays. Il détruiſit un lieu que ſes eaux minérales faiſoient fréquenter & qui durant une longue paix s’étoit embelli comme une Ville. Il envoya ordre aux auxiliaires de la Rhétique de charger en queue les Suiſſes qui faiſoient face à la Légion. Ceux-ci, féroces loin du péril & lâches devant l’ennemi, élurent bien au premier tumulte Claude Sévere pour leur Général,