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Valens d’attirer à ſon parti Gaules, ou ſur leur refus de les ravager, & de déboucher en Italie par les Alpes Cotiennes : il ordonna à Cecina de gagner la crête des Pennines par le plus court chemin. Valens eut l’élite de l’armée inférieure avec l’Aigle de la cinquieme Légion, & aſſez de Cohortes & de Cavalerie pour lui faire une armée de quarante mille hommes. Cecina en conduisit trente mille de l’armée ſupérieure, dont la vingt-unieme Légion faiſoit la principale force. On joignit à l’une & à l’autre armée des Germains auxiliaires dont Vitellius recruta auſſi la ſienne, avec laquelle il se préparoit à ſuivre le ſort de la guerre.

Il y avoir entre l’armée & l’Empereur une oppoſition bien étrange. Les ſoldats pleins d’ardeur, ſans se ſoucier de l’hiver ni d’une paix prolongée par indolence, ne demandoient qu’à combattre, & perſuadés que la diligence eſt ſur-tout eſſentielle dans les guerres civiles, où il eſt plus queſtion d’agir que de conſulter, ils vouloient profiter de l’effroi des Gaules & des lenteurs de l’Eſpagne pour envahir l’Italie & marcher à Rome. Vitellius, engourdi & dès le milieu du jour ſurchargé d’indigeſtions & de vin, conſumoit d’avance les revenus de l’Empire dans un vain luxe & des feſtins immenſes ; tandis que le zele & l’activité des troupes ſuppléoient au devoir du chef, comme ſi, préſent lui-même, il eût encouragé les braves & menacé les lâches.

Tout étant prit pour le départ, elles en demanderent l’ordre, & ſur-le-champ donnerent à Vitellius le ſurnom de Germa-