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ſécurité générale qu’inſpiroient tant de forces réunies, fourniſſoient dans le Camp une aſſez ample matiere en mensonge & à la crédulité.

Au commencement de Décembre Vitellius arrivé dans la Germanie inférieure viſita ſoigneuſement les quartiers, où, quelquefois avec prudence & plus souvent par ambition, il effaçoit l’ignominie, adouciſſoit les châtimens, & rétabliſſoit chacun dans ſon rang ou dans ſon honneur. Il répara ſur-tout avec beaucoup d’équité, les injuſtices que l’avarice & la corruption avoient fait commettre à Capiton en avançant ou déplaçant les gens de guerre. On lui obéiſſoit plutôt comme à un Souverain que comme à un Proconſul, mais il étoit ſouple avec les hommes fermes. Libéral de ſon bien, prodigue de celui d’autrui, il étoit d’une profuſion ſans meſure, que ſes amis, changeant par l’ardeur de commander, ſes vertus en vices, appelloient douceur & bonté. Pluſieurs dans le Camp cachoient, ſous un air modeste & tranquille, beaucoup de vigueur à mal faire : mais Valens & Cecina Lieutenans-généraux, ſe diſtinguoient par une avidité ſans bornes qui n’en laiſſoit point à leur audace. Valens ſur-tout, après avoir étouffé les projets de Capiton & prévenu l’incertitude de Verginius, outré de l’ingratitude de Galba, ne ceſſoit d’exciter Vitellius, en lui vantant le zele des Troupes. Il lui diſoit que ſur ſa réputation Hordeonius ne balanceroit pas un moment, que l’Angleterre ſeroit pour lui, qu’il auroit des ſecours de l’Allemagne, que toutes les provinces flottoient ſous le gouvernement précaire