Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vent dans les guerres civiles. Hommes, armes, chevaux, tout s’offroit à qui ſauroit s’en ſervir & s’en illuſtrer, &, au lieu qu’avant la guerre les armées étant éparſes ſur les frontieres, chacun ne connoiſſoit que ſa compagnie & ſon bataillon, alors les Légions raſſemblées contre Vindex ayant comparé leur force à celles des Gaules, n’attendoient qu’un nouveau prétexte pour chercher querelle à des peuples qu’elles ne traitoient plus d’amis & de compagnons, mais de rebelles & de vaincus. Elles comptoient sur la partie des Gaules qui confine au Rhin & dont les habitans ayant pris le même parti les excitoient alors puissamment contre les Galbiens, nom que par mépris pour Vindex ils avoient donné à ſes partiſans. Le Soldat animé contre les Héduens & les Séquanois & meſurant ſa colere ſur leur opulence, dévoroit déjà dans ſon cœur le pillage des villes & des champs, & les dépouilles des Citoyens ; ſon arrogance & ſon avidité, vices communs à qui ſe ſent le plus fort, s’irritoient encore par les bravades des Gaulois, qui pour faire dépit aux Troupes, ſe vantoient de la remiſe du quart des tributs, & du droit qu’ils avoient reçu de Galba.

A tout cela se joignoit un bruit adroitement répandu & inconſidérément adopté que les Légions ſeroient décimées & les plus braves Centurions caſſés. De toutes parts venoient des nouvelles fâcheuſes : rien de Rome que de ſiniſtre ; la mauvaiſe volonté de la Colonie Lyonnoiſe & son opiniâtre attachement pour Néron étoit la ſource de mille faux bruits. Mais la haine & la crainte particuliere, jointe à la