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cuiraſſe, & n’étant ni d’âge ni de force à ſoutenir le choc de la foule, ſe fit porter dans ſa chaiſe. Il rencontra ſortant du Palais un Gendarme nommé Julius Atticus qui, montrant ſon glaive tout ſanglant, s’écria qu’il avoit tué Othon. Camarade, lui dit Galba, qui vous l’a commandé ? Vigueur ſinguliere d’un homme attentif à réprimer la licence militaire, & qui ne ſe laiſſoit pas plus amorcer par les flatteries, qu’effrayer par les menaces !

Dans le Camp les ſentimens n’étoient plus douteux ni partagés, & le zele des ſoldats étoit tel que, non contens d’environner Othon de leurs corps & de leurs bataillons, ils le placerent au milieu des Enſeignes & des Drapeaux dans l’encente où étoit peu auparavant la Statue d’or de Galba. Ni Tribuns ni Centurions ne pouvoient approcher, & les ſimples soldats crioient qu’on prît garde aux Officiers. On n’entendoit pas les clameurs, tumultes, exhortations mutuelles. Ce n’étoient pas les tiedes & les diſcordantes acclamations d’une populace qui flatte ſon maître, mais tous les ſoldats qu’on voyoit accourir en foule étoient pris par la main, embraſſés tout armés, amenés devant lui, & après leur avoir dicté le ſerment, ils recommandoient l’Empereur aux Troupes & les Troupes à l’Empereur. Othon de ſon côté, tendant les bras, ſaluant la multitude, envoyant des baiſers, n’omettoit rien de ſervile pour commander.

Enfin après que toute la Légion de mer lui eut prêté le ſerment, ſe confiant en ſes forces, & voulant animer en commun tous ceux qu’il avoit excités en particulier, il monta ſur le rempart du Camp & leur tint ce diſcours.