narchies où une ſeule famille commande & tout le reſte obéit, & que vous allez gouverner un Peuple qui ne peut ſupporter ni une ſervitude extrême ni une entiere liberté.” Ainſi parloit Galba en homme qui fait un ſouverain, tandis que tous les autres prenoient d’avance le ton qu’on prend avec un ſouverain déjà fait.
On dit que de toute l’aſſemblée qui tourna les yeux ſur Piſon, même de ceux qui l’obſervoient à deſſein, nul ne put remarquer en lui la moindre émotion de plaiſir ou de trouble. Sa réponſe fut reſpectueuſe envers ſon Empereur & ſon pere, modeſte à l’égard de lui-même ; rien ne parut changé dans ſon air & dans ſes manieres ; on y voyoit plutôt le pouvoir que la volonté de commander. On délibéra enſuite si la cérémonie de l’adoption ſe feroit devant le Peuple, au Sénat, ou dans le Camp. On préféra le Camp pour faire honneur aux Troupes, comme ne voulant point acheter leur faveur par la flatterie ou à prix d’argent, ni dédaigner de l’acquérir par les moyens honnêtes. Cependant le Peuple environnoit le Palais impatient d’apprendre l’importante affaire qui s’y traitoit en secret, & dont le bruit s’augmentoit encore par les vains efforts qu’on faiſoit pour l’étouffer.
Le dix de Janvier le jour fut obſcurci par de grandes pluies accompagnées d’éclairs, de tonnerres & de ſignes extraordinaires du courroux céleſte. Ces préſages, qui jadis euſſent rompu les Comices ne détournerent point Galba d’aller au Camp. Soit qu’il les méprisât comme des choſes fortuites,