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qu’il en ſoit, ces aſſaſſinats firent un mauvais effet ; car ſous un Prince une fois odieux, tout ce qu’il fait, bien ou mal, lui attire le même blâme. Les affranchis tout puissans à la Cour y vendoient tout ; les eſclaves ardens à profiter d’une occaſion paſſagere, ſe hâtoient ſous un vieillard d’aſſouvir leur avidité. On éprouvoit toutes les calamités du regne précédent ſans les excuſer de même : il n’y avoit pas juſqu’à l’âge de Galba qui n’excitât la riſée & le mépris du peuple accoutumé à la jeuneſſe de Néron, & à ne juger des Princes que ſur la figure.

Telle étoit à Rome la diſpoſition d’eſprit la plus générale chez une si grande multitude. Dans les Provinces, Rufus, beau parleur, & bon chef en tems de paix, mais ſans expérience militaire commandoit en Eſpagne. Les Gaules conſervoient le souvenir de Vindex & des faveurs de Galba, qui venoit de leur accorder le droit de Bourgeoiſie Romaine, & de plus, la ſuppreſſion des impôts. On excepta pourtant de cet honneur les villes voiſines des armées d’Allemagne, & l’on en priva même pluſieurs de leur territoire ; ce qui leur fit supporter avec un double dépit leurs propres pertes & les grâces faites à autrui. Mais où le danger étoit grand à proportion des forces, c’étoit dans les armées d’Allemagne fieres de leur récente victoire, & craignant le blâme d’avoir favoriſé d’autres partis ; car elles n’avoient abandonné Néron qu’avec peine ; Verginius ne s’étoit pas d’abord déclaré pour Galba & s’il étoit douteux qu’il eût aſpiré à l’Empire, il étoit ſûr que l’armée le lui avoir offert : ceux mêmes qui