LE LÉVITE
D’ÉPHRAÏM.
CHANT PREMIER.
Sainte colere de la vertu, viens animer ma voix ; je dirai
les crimes de Benjamin, & les vengeances d’Israël ; je dirai
des forfaits inouis, & des châtimens encore plus terribles.
Mortels, respectez la beauté, les mœurs, l’hospitalité ; soyez
justes sans cruauté, miséricordieux sans foiblesse ; & sachez
pardonner au coupable, plutôt que de punir l’innocent.
Ô vous, hommes débonnaires, ennemis de toute inhumanité ; vous qui, de peur d’envisager les crimes de vos freres, aimez mieux les laisser impunis, quel tableau viens-je offrir à vos yeux ? Le corps d’une femme coupé par pieces ; ses membres déchirés & palpitans envoyés aux douze Tribus ; tout le peuple, saisi d’horreur, élevant jusqu’au Ciel une clameur unanime, & s’écriant de concert : non, jamais rien de pareil ne s’est fait en Israël, depuis le jour où nos Peres sortirent d’Égypte jusqu’à ce jour. Peuple saint, rassemble-toi ; prononce sur cet acte horrible, & décerne le prix qu’il a mérité. À de tels forfaits celui qui détourne ses regards est un lâche, un déserteur de la justice ; la véritable humanité les envisage, pour les connoître, pour les juger, pour les détester.