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effet des connoissances de l’esprit. Je prie le Lecteur d’être attentif à cette conclusion. Les mœurs & les loix sont la seule source du véritable héroisine. Les sciences n’y ont donc que faire. En un mot, la Grece dut tout aux sciences, & le reste du monde dut tout à la Grece. La Grece ni le monde ne durent donc rien aux loix ni aux mœurs. J’en demande pardon à mes adversaires ; mais il n’y a pas moyen de leur passer ces sophismes.

Examinons encore un moment cette préférence qu’on prétend donner à la Grece sur tour les autres peuples, & dont il semble qu’on se soit fait un point capital. J’admirerai, si l’on veut, des peuples qui passent leur vie à la guerre ou dans les bois, qui couchent sur la terre & vivent de légumes. Cette admiration est en effet très-digne d’un vrai Philosophe : il n’appartient qu’au peuple aveugle & stupide d’admirer des gens qui passent leur vie, non à défendre leur liberté, mais à se voler & se trahir mutuellement pour satisfaire leur mollesse ou leur ambition, & qui osent nourrir leur oisiveté de la sueur du sang & des travaux d’un million de malheureux. Mais est-ce parmi ces gens grossiers qu’on ira chercher le bonheur ? On l’y chercheroit beaucoup plus raisonnablement, que la vertu parmi les autres. Quel spectacle nous presenteroit le Genre-humain compose uniquement de laboureurs, de soldats, de chasseurs & de bergers ? Un spectacle infiniment plus beau que celui du Genre-humain compose de Cuisiniers, de Poetes, d’Imprimeurs,d’Orfevres, de Peintres & de Musiciens. Il n’y a que le mot soldat qu’il faut rayer du premier Tableau. La Guerre est quelquefois un devoir, & n’est point faire pour être un