Je n’ai pas toujours eu le bonheur de vivre seul. J ’ai fréquenté des hommes de toute espece. J’ai vu des gens de tous les partis, des Croyans de toutes les sectes, des esprits-forts de tous les systêmes : j’ai vu des grands, des petits, des libertins, des philosophes. J’ai eu des amis sûrs, & d’autres qui l’étoient moins : j’ai été environné d’espions, de mal veuillants, & le monde est plein de gens qui me haîssent à cause du mal qu’ils m’ont fait. Je les adjure tous, quels qu’ils puissent être, de déclarer au public ce qu’ils savent de ma croyance en matiere de Religion : si dans le commerce le plus suivi, si dans la plus étroite familiarité, si dans la gayeté des repas, si dans les confidences du tête-à-tête ils m’ont jamais trouvé différent de moi-même ; si lorsqu’ils ont voulu disputer ou plaisanter, leurs arguments ou leurs railleries m’ont un moment ébranlé ; s’ils m’ont surpris à varier dans mes sentiments, si dans le secret de mon cœur ils en ont pénétré que je cachois au public ; si dans quelque tems que ce soit ils ont trouvé en moi une ombre de fausseté ou d’hypocrisie, qu’ils le disent, qu’ils révelent tout, qu’ils me dévoilent ; j’y consens, je les en prie, je les dispense du secret de l’amitié ; qu’ils disent hautement, non ce qu’ils voudroient que je fusse, mais ce qu’ils savent que je suis : qu’ils me jugent selon leur conscience ; je leur confie mon honneur sans crainte, & je promets de ne les point récuser.
Que ceux qui m’accusent d’être sans Religion parce qu’ils ne conçoivent pas qu’on en puisse avoir une, s’accordent au moins s’ils peuvent entre eux. Les uns ne trouvent dans mes Livres qu’un Systême d’athéisme, les autres disent que je