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du rire indécent qu’elle nous arrache, de l’habitude qu’on y prend de tourner tout en ridicule, même les objets les plus sérieux & les plus graves, & de l’effet presque inévitable par lequel elle change en bouffons & plaisans de Théatre, les plus respectables des Citoyens. J’en dis autant de l’amour, de la colere, & de toutes les autres passions, auxquelles devenant de jour en jour plus sensibles par amusement & par jeu, nous perdons toute force pour leur résister, quand elles nous assaillent tout de bon. Enfin, de quelque sens qu’on envisage le Théatre & ses imitations, on voit toujours, qu’animant & fomentant en nous les dispositions qu’il faudroit contenir & réprimer, il fait dominer ce qui devroit obéir ; loin de nous rendre meilleurs & plus heureux, il nous rend pires & plus malheureux encore, & nous fait payer aux dépens de nous-mêmes le soin qu’on y prend de nous plaire & de nous flatter.

Quand donc, ami Glaucus, vous rencontrerez des enthousiastes d’Homere ; quand ils vous diront qu’Homere est l’instituteur de la Grece & le maître de tous les arts ; que le gouvernement des Etats, la discipline civile, l’éducation des hommes & tout l’ordre de la vie humaine sont enseignés dans ses écrits ; honorez leur zele ; aimez & supportez-les, comme des hommes doués de qualités exquises ; admirez avec eux les merveilles de ce beau génie ; accordez-leur avec plaisir qu’Homere est le Poete par excellence, le modele & le chef de tous les Auteurs tragiques. Mais songez toujours que les Hymnes en l’honneur des Dieux, & les louanges des grands hommes, sont la seule espece de Poésie qu’il