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par le raisonnement ; & vous avez tort de vous étayer d’un passage de Tertullien pour conclure contre moi qu’il implique qu’il y ait plusieurs Dieux : car, sans avoir besoin de Tertullien, je conclus aussi de mon côté qu’il implique qu’il y ait plusieurs Dieux.

Vous avez tort de me qualifier pour cela a d’Auteur téméraire, puisqu’où il n’y a point d’assertion il n’y a point de témérité. On ne peut concevoir qu’un Auteur soit un téméraire, uniquement pour être moins hardi que vous.

Enfin vous avez tort de croire avoir bien justifié les dogmes particuliers qui donnent à Dieu les passions humaines, & qui, loin d’éclaircir les notions du grand Etre, les embrouillent & les avilissent, en m’accusant faussement d’embrouiller & d’avilir moi-même ces notions, d’attaquer directement l’essence divine, que je n’ai point attaquée, & de révoquer en doute son unité, que j en’ai point revoquée en doute. Si je l’avois fait, que s’en suivroit-il ? Récriminer n’est pas se justifier : mais celui qui, pour toute défense, ne sait que récriminer à faux, a bien l’air d’être seul coupable.

La contradiction que vous me reprochez dans le même lieu est tout aussi-bien fondée que la précédente accusation. Il ne fait, dites-vous, quelle est la nature de Dieu, & bien-tôt après il reconnoît que cet Etre suprême est doué d’intelligence, de puissance, de volonté, & de bonté ; n’est-ce donc pas-là avoir une idée de la nature divine ?

Voici, Monseigneur, là-dessus ce que j’ai à vous dire.

"Dieu est intelligent ; mais comment l’est-il ? L’homme est intelligent quand il raisonne, & la suprême Intelligence