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dicateur s’arrête au mal personnel, le magistrat ne voit que les conséquences publiques ; l’un n’a pour objet que la perfection de l’homme où l’homme n’atteint point, l’autre que le bien de l’Etat autant qu’il y peut atteindre ; ainsi tout ce qu’on a raison de blâmer en chaire ne doit pas être puni par les loix. Jamais peuple n’a péri par l’excès du vin, tous périssent par le désordre des femmes. La raison de cette différence est claire : le premier de ces deux vices détourne des autres, le second les engendre tous. La diversité des âges y fait encore. Le vin tente moins la jeunesse & l’abat moins aisément ; un sang ardent lui donne d’autres desirs ; dans l’âge des passions toutes s’enflamment au feu d’une seule, la raison s’altere en naissant, & l’homme, encore indompté devient indisciplinable avant que d’avoir porte le joug des loix. Mais qu’un sang à demi-glace cherche un secours qui le ranime, qu’une liqueur bienfaisante supplée aux esprits qu’il n’a plus ;*

[*Platon dans ses Loix permet aux seuls vieillards l’usage du vin, & même il leur en permit quelquefois l’excès.] quand un vieillard abuse de ce doux remede, il a déjà rempli ses devoirs envers sa patrie, il ne la prive que du rebut de ses ans. Il a tort, sans doute : il cesse avant la mort d’être citoyen. Mais l’autre ne commence pas même à l’être : il se rend plutôt l’ennemi public, par la séduction de les complices, par l’exemple & l’effet de ses mœurs corrompue, sur-tout par la morale pernicieuse qu’il ne manque pas de répandre pour les autoriser. Il vaudroit mieux qu’il n’eut point existe.

De la passion du jeu naît un plus dangereux abus, mais