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très-positivement, n’admet qu’une Intelligence premiere, qu’un seul principe actif, & par conséquent qu’un seul Dieu.

J’avoue bien que la création du monde étant clairement énoncée dans nos traductions de la Genese, la rejetter positivement seroit à cet égard rejetter l’autorité, sinon des Livres Sacrés, au moins des traductions qu’on nous en donne ; & c’est aussi ce qui tient le Vicaire dans un doute qu’il n’auroit peut-être pas sans cette autorité : car d’ailleurs la coexistence des deux Principes*

[*Il est bon de remarquer que cette question de l’éternité de la matiere, qui effarouchoit si fort nos Théologiens, effarouchoit assez peu les Peres de l’Eglise, moins éloignés des sentimens de Platon. Sans parler de Justin, martyr, d’Origène, & d’autres, Clément Alexandrin prend si bien l’affirmative dans ses Hypotiposes, que Photius veut à cause de cela que ce Livre ait été falsifié. Mais le même sentiment paroit encore dans les Stromates, où Clément rapporte celui d’Héraclite sans l’improuver. Ce Pere, Livre V. tâche, à la vérité, d’etablir un seul principe, mais c’est parce qu’il refuse ce nom à l’matiere, même en admettant son éternité.] semble expliquer mieux la constitution de l’univers, & lever des difficultés qu’on a peine à résoudre sans elle, comme entr’autre scelle de l’origine du mal. De plus, il faudroit entendre parfaitement l’Hébreu, & même avoir été contemporain de Moîse, pour savoir certainement quel sens il adonné au mot qu’on nous rend par le mot créa. Ce terme est trop philosophique pour avoir eu, dans son origine, l’acception connue & populaire que nous lui donnons maintenant sur la foi de nos Docteurs. Rien n’est moins rare que des mots dont le sens change par trait de temps, & qui font attribuer aux anciens Auteurs qui s’en sont servis, des idées qu’ils n’ont point eues. Le