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riches se cotisent pour le soutenir, charge onéreuse qu’assurément ils ne seront pas d’humeur à supporter long-tems ; ou que l’Etat s’en mêle & le soutienne à ses propres frais. Mais comment le soutiendra-t-il ? Sera-ce en retranchant, sur les dépenses nécessaires auxquelles suffit à peine son modique revenu, de quoi pourvoir à celle-là ? Où bien destinera-t-il à cet usage important les sommes que l’économie & l’intégrité de l’administration permet quelquefois de mettre en réservé pour les plus pressans besoins ? Faudra-t-il reformer notre petite garnison & garder nous-mêmes nos portes ? Faudra-t-il réduire les foibles honoraires de nos Magistrats, ou nous ôterons-nous pour cela toute ressource au moindre accident imprévu ? Au défaut de ces expédiens, je n’en vois qu’un qui soit praticable, c’est la voie des taxes & impositions, c’est d’assembler nos Citoyens & Bourgeois en conseil général dans le temple de S. Pierre, & la de leur proposer gravement d’accorder un impôt pour l’établissement de la Comédie. À Dieu ne plaise que je croie nos sages & dignes Magistrats capables de faire jamais une proposition semblable ; & sur votre propre Article, on peut juger assez comment elle seroit reçue.

Si nous avions le malheur de trouver quelque expédient propre à lever ces difficultés, ce seroit tant pis pour nous car cela ne pourroit se faire qu’à la faveur de quelque vice secret qui, nous affoiblissant encore dans notre petitesse, nous perdroit enfin tôt ou tard. Supposons pourtant qu’un beau zele du Théâtre nous fit faire un pareil miracle ; supposons les Comédiens bien établis dans Geneve, bien contenus par nos