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passent leur vie à attendre qu’il soit midi & huit heures ; avoir un Théâtre de Comédie : encore faut - il des taxes involontaires pour le soutenir. Mais combien d’autres Villes incomparablement plus grandes que la notre, combien de sièges de Parlemens & de Cours souveraines ne peuvent entretenir une Comédie à demeure ?

Pour juger si nous sommes en etat de mieux faire, prenons un terme de comparaison bien connu, tel, par exemple, que la Ville de Paris. Je dis donc que, si plus de six cents mille habitans ne fournissent journellement & l’un dans l’autre aux Théâtres de Paris que douze cents Spectateurs, moins de vingt-quatre mille habitans n’en fourniront certainement pas plus de quarante-huit à Geneve. Encore faut-il déduire les gratis de ce nombre, & supposer qu’il n’y a pas proportionnellement moins de désoeuvrés à Geneve qu’à Paris ; supposition qui me paroit insoutenable.

Or si les Comédiens François, pensionnes du Roi, & propriétaires de leur Théâtre, ont bien de la peine à se soutenir à Paris avec une assemblée de trois cents Spectateurs par représentation *

[*Ceux qui ne vont aux Spectacles que les beaux jours où l’assemblée est nombreuse, trouveront cette estimation trop foible ; mais ceux qui pendant dix ans les auront suivis, comme moi, bons & mauvais jours, la trouveront surement trop forte. S’il faut donc diminuer le nombre journalier de trois cents Spectateurs à Paris, il faut diminuer proportionnellement celui de quarante-huit à Geneve ; ce qui renforce mes objections.] je demande comment les Comédiens de Geneve se soutiendront avec une assemblée de quarante-huit Spectateurs pour toute ressource ? Vous me direz qu’on vit à meilleur compte à Geneve qu’à Paris. Oui, mais les billets