Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

Que veut donc dire cet Auteur téméraire ?.......l’unité de Dieu lui paroît une question oiseuse & supérieure à sa raison, comme si la multiplicité des Dieux n’étoit pas la plus grande des absurdités. *

[*Mandement, XIII.] " La pluralité des Dieux", dit énergiquement Tertullien, " est une nullité de Dieu, " admettre un Dieu, c’est admettre un Etre suprême & indépendant, auquel tous les autres Etres soient subordonnés.*

[* Tertullien fait ici un sophisme très-familier aux Peres de l’Eglise. Il définit le mot Dieu selon les Chrétiens, & puis il accuse les paiens de contradiction, parce que contre sa définition ils admettent plusieurs Dieux. Ce n’étoit pas la peine de m’imputer une erreur que je n’ai pas commise, uniquement pour citer si hors de propos un sophisme de Tertullien.] Il implique donc qu’il y ait plusieurs Dieux.

Mais qui est-ce qui dit qu’il y a plusieurs Dieux ? Ah, Monseigneur ! Vous voudriez bien que j’eusse dit de pareilles folies ; vous n’auriez sûrement pas pris la peine de faire un Mandement contre moi.

Je ne sais ni pourquoi ni comment ce qui est est, & bien d’autres qui se piquent de le dire ne le savent pas mieux que moi. Mais je vois qu’il n’y a qu’une premiere cause motrice, puisque tout concourt sensiblement aux mêmes fins. Je reconnois donc une volonté unique & suprême qui dirige tout, & une puissance unique & suprême qui exécute tout. J’attribue cette puissance & cette volonté au même Etre, à cause de leur parfait accord qui se conçoit mieux dans un que dans deux, & parce qu’il ne faut pas sans raison multiplier les êtres : car le mal même que nous voyons n’est point un mal absolu, & loin de combattre