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peu-à-peu plus sévere, jusqu’a ce que les occasions légitimes se réduisent tout-à-fait à rien, le point d’honneur eut change de principes, & que les duels fussent entiérement abolis. Un n’a pas eu tous ces embarras la vérité, mais aussi l’on a fait un établissement inutile. Si les duels aujourd’hui sont plus rares, ce n’est pas qu’ils soient méprises ni punis ; c’est parce que les mœurs ont change :*

[*Autrefois les hommes prenoient querelle au cabaret ; on les a dégoûtés de ce plaisir grossier en leur faisant bon marche des autres. Autrefois ils s’égorgeoient pour une mairesse ; en vivant plus familièrement avec les femmes, ils ont trouve que ce n’etoit pas la peine de se battre pour elles. L’ivresse & l’amour ôtes, il reste peu d’importans sujets de dispute. Dans le monde on ne se bat plus que pour le jeu. Les Militaires ne se battent plus que pour des passe-droits, ou pour n’être pas forces de quitter le service. Dans ce siecle éclairé chacun sait calculer, à un écu près, ce que valent son honneur & son vie.] & preuve que ce changement vient de causes toutes différer, auxquelles le gouvernement n’a point de part, la preuve que l’opinion publique n’a nullement change sur ce point, c’est qu’après tant de soins mal entendus, tout Gentilhomme qui ne tire pas raison d’un affront, l’épée a la main, n’est moins déshonore qu’auparavant.

Une quatrieme conséquence de l’objet du même établissement, est que, nul homme ne pouvant vivre civilement sans honneur, tous les états où l’on porte une épée, depuis le Prince jusqu’au Soldat, & tous les états même où l’on n’en porte point, doivent ressortir à cette Cour-d’honneur ; les uns, pour rendre compte de leur conduite & de leurs actions ; les autres, de leurs discours & de leurs maximes :