tous nos penchans, il donne un nouvel ascendant à ceux qui nous dominent ; les continuelles émotions qu’on y ressent nous énervent, nous affoiblissent, nous rendent plus incapables de résister à nos passions ; & le stérile intérêt qu’on prend à la vertu ne sert qu’a contenter notre amour propre, sans nous contraindre à la pratiquer. Ceux de mes Compatriotes qui ne désapprouvent pas les Spectacles en eux-mêmes, ont donc tort.
Outre ces effets du Théâtre, relatifs aux choses représentées, il en a d’autres non moins nécessaires, qui se rapportent directement à la Scene & aux personnages représentans, & c’est a ceux-là que les Genevois déjà cites attribuent le de luxe., de parure, & de dissipation dont ils craignent avec raison l’introduction parmi nous. Ce n’est pas seulement la fréquentation des Comédiens, mais celle du Théâtre, qui peut amener ce goût par son, appareil & la parure des Acteurs. N’eut-il, d’autre effet que d’interrompre à certaines heures le cours des affaires civiles & domestiques, & d’offrir une ressource assurée à l’oisiveté, il n’est pas possible que la commodité d’aller tous les jours réguliérement au lieu s’oublier soi-même & s’occuper d’objets etrangers, ne donne au Citoyen d’autres habitudes & ne lui forme de nouvelles mœurs ; mais ces changemens seront-ils avantageux ou nuisibles ? C’est une question qui dépend moins de l’examen du Spectacle que de celui des Spectateurs. Il est sur que ces changemens les ameneront tous à-peu-près au même point ; c’est donc par l’état où chacun étoit d’abord, qu’il faut estimer les différences.