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Puisque l’intérêt y est toujours pour les amans, il s’ensuit que les personnages avances en âge n’y peuvent jamais faire que des rôles en sous-ordre. Ou, pour former le nœud de l’intrigue, ils servent d’obstacle aux vœux des jeunes amans & alors ils sont haÏssables ; ou ils sont amoureux eux-mêmes & alors ils font ridicules. Turpe senex miles. On en fait dans les Tragédies des tyrans, des usurpateurs ; dans les Comédies des jaloux, des usuriers, des pédans, des peres insupportables que tout le monde conspire à tromper. Voilà sous quel honorable aspect on montre la vieillesse au Théâtre, voilà quel respect on inspire pour elle aux jeunes gens. Remercions l’illustre Auteur de Zaire & de Nanine d’avoir soustrait à ce mépris le vénérable Luzignan & le bon vieux Philippe Humbert. Il en est quelques autres encore ; mais cela suffit-il pour arrêter le torrent du préjugé public, & pour effacer l’avilissement où la plupart des Auteurs se plaisent à montrer l’âge de la sagesse, de l’expérience & de l’autorité ? Qui peut douter que l’habitude de voir toujours dans les vieillards des personnages odieux au Théâtre, n’aide a les faire rebuter dans la Société, & qu’en s’accoutumant à confondre ceux qu’on voit dans le monde avec les radoteurs & les Gérontes de la Comédie, on ne méprise tous également ? Observez à Paris, dans une assemble, l’air suffisant & vain, le ton ferme & tranchant d’une imprudence jeunesse, tandis que les Anciens, craintifs & modestes, ou n’osent ouvrir la bouche, ou sont à peine écoutes. Voit-on rien de pareil dans les Provinces, & dans les lieux où les Spectacles ne sont point établis ; & par