pour le mettre en jeu : sans quoi, c’est substituer un autre homme au Misanthrope & nous le peindre avec des traits qui ne sont pas les siens.
Voilà donc de quel cote le caractere du Misanthrope doit porter ses défauts, & voilà aussi de quoi Moliere fait un usage admirable dans toutes les scenes d’Alceste avec son ami, où les froides maximes & les railleries de celui-ci, démontant l’autre à chaque instant, lui font dire mille impertinences très-bien placées ; mais ce caractere âpre & dur, donne tant de fiel & d’aigreur dans l’occasion, l’éloigne en même tems de tout chagrin puérile qui n’a nul fondement raisonnable, & de tout intérêt personnel trop vif, dont il ne doit nullement être susceptible. Qu’il s’emporte sur tous les désordres dont il n’est que le témoin, ce sont toujours de nouveaux traits au tableau ; mais qu’il soit froid sur celui qui s’adresse directement à lui. Car ayant déclare la guerre aux mechans, il s’attend bien qu’ils la lui feront à leur tour. S’il n’avoit pas prévu le mal que lui fera sa franchise, elle seroit une étourderie & non pas une vertu. Qu’une femme fausse le trahisse, que d’indignes amis le déshonorent, que de foibles amis l’abandonnent : il doit le souffrir sans en murmurer. Il connoît les hommes.
Si ces distinctions sont justes, Moliere à mal saisi le Misanthrope. Pense-t-on que ce soit par erreur ? Non, sans doute. Mais voilà par où le désir de faire rire aux dépens du personnage, l’a force de le dégrader, contre la vérité du caractere.
Après l’aventure du Sonnet, comment Alceste ne s’attend-il