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& qu’une ignorance invincible ne lui sauroit être imputée à crime. D’où il suit que devant la justice éternelle, tout homme qui croiroit s’il avoit les lumieres nécessaires est réputé croire, & qu’il n’y aura d’incrédules punis que ceux dont le cœur fe ferme â la vérité." Emile T. I. p. 453 : in-4̊T. II. p. 300. in-8̊. & in-12.̊

Voilà mon passage entier, sur lequel votre erreur saute aux yeux. Elle consiste en ce que vous avez entendu ou fait entendre que, selon moi, il faloit avoir été instruit de l’existence de Dieu pour y croire. Ma pensée est fort différente. Je dis qu’il faut avoir l’entendement développé & l’esprit cultivé jusqu’à certain point, pour être en état de comprendre les preuves de l’existence de Dieu, & sur-tout pour les trouver de soi-même sans en avoir jamais entendu parler. Je parle des hommes barbares ou sauvages ; vous m’alléguez des Philosophes : je dis qu’il faut avoir acquis quelque philosophie pour s’élever aux notions du vrai Dieu ; vous citez Saint Paul, qui reconnoît que quelques Philosophes païens se sont élevés aux notions du vrai Dieu : je dis que tel homme grossier n’est pas toujours en état de se former de lui-même une idée juste de la divinité ; vous dites que les hommes instruits sont en état de se former une idée juste de la divinité : & sur cette unique preuve, mon opinion vous paroît souverainement absurde. Quoi ! Parce qu’un Docteur en droit doit savoir les loix de son pays, est-il absurde de supposer qu’un enfant qui ne sait pas lire a pu les ignorer ?

Quand un Auteur ne veut pas se répéter sans cesse, & qu’il a une fois établi clairement son sentiment sur une matiere,