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tous les jours, quand les autres ne m’inspirent plus que du dégoût. Mais je soutiens que si l’Ecriture elle-même nous donnoit de Dieu quelque idée indigne de lui, il faudroit la rejetter en cela, comme vous rejettez en Géométrie les démonstrations qui menent a des conclusions absurdes : car de quelque authenticité que puisse être le texte sacré, il est encore plus croyable que la Bible soit altérée, que Dieu injuste ou malfaisant.

Voilà, Monsieur, les raisons qui m’empecheroient des blâmer ces sentimens dans d’équitables & modérés Théologiens, qui de leur propre doctrine apprendroient à ne forcer personne à l’adopter. Je dirai plus, des manieres de penser si convenables à une créature raisonnable & foible dignes d’un Créateur juste & miséricordieux, me paroissent préférables à cet assentiment stupide qui fait de l’homme bête, & à cette barbare intolérance qui se plaît à tourmenter des cette vie ceux qu’elle destine aux tourmens éternels dans l’autre. En ce sens, je vous remercie pour ma Patrie de l’esprit de Philosophie & d’humanité que vous reconnoissez dans son Clergé, & de la justice que vous aimez à lui rendre ; je suis d’accord avec vous sur ce point. Mais pour être philosophes & tolérans,

[*] Sur la Tolérance Chrétienne, en peut consulter le chapitre qui porte ce titre, dans l’onzieme livre de la Doctrine Chrétienne de M. Professeur Vernet. On y verra par quelles raisons l’Eglise doit apporter encore plus de ménagement & de circonspection dans la censure des erreurs sur la foi, que dans celle des fautes contre les mœurs, & comment s’allient dans les regles de cette censure la douceur du Chrétien, la raison du Sage & le zele du Pasteur.] il ne s’ensuit pas que ses membres