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en liberté. Voilà, Monsieur, où doit naturellement vous mener l’usage du droit négatif tel que le Conseil se l’arroge. Je crois qu’il n’en voudra pas faire un usage aussi funeste, mais il le pourra certainement ; & la seule certitude qu’il peut impunément être injuste, vous fera sentir les mêmes maux que s’il l’étoit en effet.

Je vous ai montré, Monsieur, l’état de votre Constitution tel qu’il se présente à mes yeux. Il résulte de cet exposé que cette Constitution, prise dans son ensemble, est bonne & saine, & qu’en donnant à la liberté ses véritables bornes, elle lui donne en même tems toute la solidité qu’elle doit avoir. Car le Gouvernement ayant un droit négatif contre les innovations du Législateur, & le Peuple un droit négatif contre les usurpations du Conseil, les Loix seules regnent & regnent sur tous ; le premier de l’Etat ne leur est pu moins soumis que le dernier, aucun ne peut les enfreindre, nul intérêt particulier ne peut les changer, & la Constitution demeure inébranlable.

Mais si au contraire les Ministres des Loix en deviennent les seuls arbitres, & qu’ils puissent les faire parler ou taire à leur gré ; un droit de Représentation, seul garant des Loix & de la liberté, n’est qu’un droit illusoire & vain, qui n’ait en aucun cas aucun effet nécessaire ; je ne vois point de servitude pareille à la vôtre, & l’image de la liberté n’est plus chez vous qu’un leurre méprisant & puéril, qu’il est même indécent d’offrir à des hommes sensés. Que sert alors d’assembler le Législateur, puisque la volonté du Conseil est l’unique Loi ? Que sert d’élire solemnellement des Magistrats qui d’avance étoient déjà vos Juges, & qui ne tiennent de cette élection