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par-tout.*

[*La justice dans le Peuple est une vertu d’état ; la violence & la tyrannie est de même dans les Chefs un vice d’état. Si nous étions à leurs places, nous autres particuliers, nous deviendrions comme eux violens usurpateurs iniques. Quand des Magistrats viennent donc nous prêcher leur intégrité, leur modération, leur justice, ils nous trompent, s’ils veulent obtenir ainsi la confiance que nous ne leur devons pas : non qu’ils ne puissent avoir personnellement ces vertus dont ils se vantent ; mais alors ils font une exception, & ce n’est pas aux exceptions que la Loi doit avoir égard.] S’ils veulent des Loix, ce n’est pu pour leur obéir, c’est pour en être les arbitres. Ils veulent des Loix pour se mettre à leur place & pour se faire craindre en leur nom. Tout les favorise dans ce projet. Ils se servent des droits qu’ils ont, pour usurper sans risque ceux qu’ils n’ont pas. Comme ils parlent toujours au nom de la Loi, même en la violant, quiconque ose la défendre contre eux, est un séditieux, un rebelle : il doit périr ; & pour eux, toujours sûrs de l’impunité dans leurs entreprises, le pis qui leur arrive est de ne pas réussir. S’ils ont besoin d’appuis, par-tout ils en trouvent. C’est une ligue naturelle que celle des forts, & ce qui fait la foiblesse des foibles, est de ne pouvoir se liguer ainsi. Tel est le destin du Peuple, d’avoir toujours au-dedans & au-dehors ses parties pour juges. Heureux ! quand il en peut trouver d’assez équitables pour le protéger contre leurs propres maximes, contre ce sentiment si gravé dans le cœur humain, d’aimer & favoriser les intérêts semblables aux nôtres ! Vous avez eu cet avantage une fois, & ce fut contre toute attente. Quand la Médiation fut acceptée, on vous crut écrasés : mais vous eûtes des défenseurs éclairés & fermes, des Médiateurs intègres & généreux : la justice & la vérité triomphèrent. Puissiez-vous être