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son remède. Car, encore une fois, il n’y a de liberté possible que dans l’observation des Loix ou de la volonté générale, & il n’est pas plus dans la volonté générale de nuire à tous, que dans la volonté particulière de nuire à soi-même. Mais supposons cet abus de la liberté aussi naturel que l’abus de la puissance. Il y aura toujours cette différence entre l’un & l’autre, que l’abus de la liberté tourne au préjudice du Peuple qui en abuse, & le punissant de son propre tort le force à en chercher le remède ; ainsi de ce côté le mal n’est jamais qu’une crise, il ne peut faire un état permanent. Au lieu que l’abus de la puissance ne tournant point au préjudice du puissant, mais du foible, est, par sa nature, sans mesure, sans frein, sans limites. Il ne finit que par la destruction de celui qui seul en ressent le mal. Disons donc qu’il faut que le Gouvernement appartienne au petit nombre, l’inspection sur le Gouvernement à la généralité, & que si de part ou d’autre l’abus est inévitable, il vaut encore mieux qu’un Peuple soit malheureux par sa faute qu’opprimé sous la main d’autrui.

Le premier & le plus grand intérêt public est toujours la justice. Tous veulent que les conditions soient égales pour tous, & la justice n’est que cette égalité. Le Citoyen ne veut que les Loix & que l’observation des Loix. Chaque particulier dans le Peuple soit bien que s’il y a des exceptions elles ne seront pas en sa faveur. Ainsi tous craignent les exceptions, & qui craint les exceptions aime la Loi. Chez les Chefs, c’est toute autre chose : leur état même est un état de préférence, & ils cherchent des préférences