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seroit à l’instant relevée ; il est sans droit, & seroit sans pouvoir pour la soutenir.

Chez vous la Puissance du petit Conseil est absolue à tous égards ; il est le Ministre & le Prince, la partie & le Juge tout-à-la-fois : il ordonne & il exécute ; il cite, il saisit, il emprisonne, il juge, il punit lui-même : il a la force en main pour tout faire ; tous ceux qu’il emploie sont irrécherchables ; il ne rend compte de sa conduite ni de la leur à personne ; il n’a rien à craindre du Législateur, auquel il a seul droits d’ouvrir la bouche, & devant lequel il n’ira pas s’accuser. Il n’est jamais contraint de réparer ses injustices ; & tout ce que peut espérer de plus heureux l’innocent qu’il opprime, c’est d’échapper enfin sain & sauf, mais sans satisfaction ni dédommagement.

Jugez de cette différence par les faits les plus récentes. On imprime à Londres un Ouvrage violemment satyrique contre les Ministres, le Gouvernement, le Roi même. Les imprimeurs sont arrêtés. La Loi n’autorise pas cet arrêt, un murmure publie s’élève, il faut les relâcher. L’affaire ne finit pas là : les Ouvriers prennent à leur tour le Magistrat à partie, & ils obtiennent d’immenses dommages & intérêts. Qu’on mette en parallèle avec cette affaire celle du Sieur Bardin, Libraire à Geneve ; j’en parlerai ci-après. Autre cas : il se fait un vol dans la Ville ; sans indice & sur des soupçons en l’air, un Citoyen est emprisonné contre les Loix ; sa maison est fouillée ; on ne lui épargne aucun des affronts faits pour les malfaiteurs. Enfin son innocence est reconnue, il est relâché ; il se plaint, on le laisse dire, & tout est fini.