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Malgré la puissance Royale, qui est très-grande, la Nation n’a pas craint de donner encore au Roi la voix négative. Mais comme il ne peut se passer long-tems de la puissance législative, & qu’il n’y auroit pas de sûreté pour lui à l’irriter, cette force négative n’est dans le fait qu’un moyen d’arrêter les entreprises de la puissance législative, & le Prince, tranquille dans la possession du pouvoir étendu que la Constitution lui assure, sera intéressé à la protéger.*

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Sur ce raisonnement & sur l’application qu’on en veut faire, vous croiriez que le pouvoir exécutif du Roi d’Angleterre est plus grand que celui du Conseil à Geneve, que le droit négatif qu’a ce Prince est semblable à celui qu’usurpent vos Magistrats, que votre Gouvernement ne peut pas plus se passer que celui d’Angleterre de la puissance législative, & qu’enfin l’un & l’autre ont le même intérêt de protéger la Constitution. Si l’Auteur n’a pas voulu dire cela, qu’a-t-il donc voulu dire, & que fait cet exemple à son sujet ?

C’est pourtant tout le contraire à tous égards. Le Roi d’Angleterre, revêtu par les Loix d’une si grande puissance pour les protéger, n’en a point pour les enfreindre : personne en pareil cas ne lui voudroit obéir, chacun craindroit pour sa tête ; les Ministres eux-mêmes la peuvent perdre s’ils irritent le Parlement : on y examine sa propre conduite. Tout Anglois, à l’abri des Loix, peut braver la puissance Royale ; le dernier du Peuple peut exiger & obtenir la réparation la plus authentique s’il est le moins du monde offensé : supposé que le Prince osât enfreindre la Loi dans la moindre chose, l’infraction