Encore une lettre, Monsieur, & vous êtes délivré de
moi. mais je me trouve, en la commençant, dans une situation
bien bizarre ; obligé de l’écrire, & ne sachant de quoi
la remplir. Concevez-vous qu’on ait à se justifier d’un crime
qu’on ignore, & qu’il faille se défendre sans savoir de quoi
l’on est accusé ? C’est pourtant ce que j’ai à faire au sujet
des Gouvernemens. Je suis, non pas accusé, mais jugé, mais
flétri pour avoir publié deux Ouvrages téméraires, scandaleux,
impies, tendans à détruire la Religion Chrétienne & tous les
Gouvernemens. Quant à la religion, nous avons eu du moins
quelque prise pour trouver ce qu’on a voulu dire, & nous
l’avons examiné. Mais quant aux Gouvernemens, rien ne
peut nous fournir le moindre indice. On a toujours évité
toute espece d’explication sur ce point : on n’a jamais voulu
dire en quel lieu j’entreprenois ainsi de les détruire, ni comment,
ni pourquoi, ni rien de ce qui peut constater que le
délit n’est pas imaginaire. C’est comme si l’on jugeoit quelqu’un
pour avoir tué un homme sans dire ni où, ni qui,
ni quand ; pour un meurtre abstrait. À l’Inquisition l’on force
bien l’accusé de deviner de quoi on l’accuse, mais on ne le
juge pas sans dire sur quoi.
L’Auteur des Lettres écrites de la Campagne évite avec le même soin de s’expliquer sur ce prétendu délit ; il joint également la Religion & les Gouvernemens dans la même