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SIXIEME LETTRE.


Encore une lettre, Monsieur, & vous êtes délivré de moi. mais je me trouve, en la commençant, dans une situation bien bizarre ; obligé de l’écrire, & ne sachant de quoi la remplir. Concevez-vous qu’on ait à se justifier d’un crime qu’on ignore, & qu’il faille se défendre sans savoir de quoi l’on est accusé ? C’est pourtant ce que j’ai à faire au sujet des Gouvernemens. Je suis, non pas accusé, mais jugé, mais flétri pour avoir publié deux Ouvrages téméraires, scandaleux, impies, tendans à détruire la Religion Chrétienne & tous les Gouvernemens. Quant à la religion, nous avons eu du moins quelque prise pour trouver ce qu’on a voulu dire, & nous l’avons examiné. Mais quant aux Gouvernemens, rien ne peut nous fournir le moindre indice. On a toujours évité toute espece d’explication sur ce point : on n’a jamais voulu dire en quel lieu j’entreprenois ainsi de les détruire, ni comment, ni pourquoi, ni rien de ce qui peut constater que le délit n’est pas imaginaire. C’est comme si l’on jugeoit quelqu’un pour avoir tué un homme sans dire ni où, ni qui, ni quand ; pour un meurtre abstrait. À l’Inquisition l’on force bien l’accusé de deviner de quoi on l’accuse, mais on ne le juge pas sans dire sur quoi.

L’Auteur des Lettres écrites de la Campagne évite avec le même soin de s’expliquer sur ce prétendu délit ; il joint également la Religion & les Gouvernemens dans la même