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de mes fautes, je n’ai jamais mieux rempli mon devoir de Citoyen qu’au moment que je cesse de l’être, & j’en aurois mérité le titre par l’acte qui m’y fait renoncer.

Rappelez-vous ce qui venoit de se passer, il y avoit peu d’années, an sujet de l’Article Geneve de M. d’Alembert. Loin de calmer les murmures excités par cet Article, l’Ecrit publié par les Pasteurs l’avoit augmenté, & il n’y a personne qui ne sache que mon Ouvrage leur fit plus de bien que le leur. Le parti Protestant, mécontent d’eux, n’éclatoit pas, mais il pouvoit éclater d’un moment à l’autre ; & malheureusement les Gouvernemens s’alarment de si peu de chose en ces matieres, que les querelles des Théologiens, faites pour tomber dans l’oubli d’elles-mêmes, prennent toujours de l’importance par celle qu’on leur veut donner.

Pour moi, je regardois comme la gloire & bonheur de la Patrie d’avoir un Clergé animé d’un esprit si rare dans son ordre, & qui, sans s’attacher à la doctrine purement spéculative, rapportoit tout à la morale & aux devoirs de l’homme & du Citoyen. Je pensois que, sans faire directement son apologie, justifier les maximes que je lui supposois & prévenir les censures qu’on en pourroit faire, étoit un service à rendre à l’Etat. En montrant que ce qu’il négligeoit n’étoit ni certain ni utile, j’espérois contenir ceux qui voudroient lui en faire un crime : sans le nommer, sans le désigner, sans compromettre son orthodoxie, c’étoit le donner en exemple aux autres Théologiens.

L’entreprise étoit hardie, mais elle n’étoit pas téméraire ; & sans des circonstances qu’il étoit difficile de prévoir, elle