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point en point toute la procédure prescrite par ce même article de l’Ordonnance, qu’on nous dit ne regarder ni les Livres ni les Auteurs. On ne brûla même le Livre qu’apres la retraite de l’Auteur ; jamais il ne fut décrété, l’on ne parla pas du Bourreau ;*

[* Ajoutez la circonspection du Magistrat dans toute cette affaire, sa marche lente & graduelle dans la procédure, le rapport du Consistoire, l’appareil du jugement. Les Syndics montent sur leur Tribunal public, ils invoquent le non, de Dieu, ils ont sous leurs yeux la sainte Ecriture ; après une mûre délibération, après avoir pris conseil des Citoyens, ils prononcent leur jugement devant le Peuple, afin qu’il en sache les causes ; ils le font imprimer & publier, & tout cela pour la simple condamnation d’un Livre, sans flétrissure, sans décret contre l’auteur, opiniâtre & contumax. Ces Messieurs, depuis lors, ont appris à disposer moins cérémonieusement de l’honneur & de la liberté des hommes, & sur-tout des Citoyens : car il est à remarquer que Morelli ne l’étoit pas. ] enfin tout cela se fit sous les yeux du Législateur, par les Rédacteurs de l’Ordonnance, au moment qu’elle venoit de passer dans le tems même où régnoit cet esprit de sévérité qui, selon notre Anonyme, l’avoit dictée, & qu’il allègue en justification très-claire de la rigueur exercée aujourd’hui contre moi.

Or écoutez là-dessus la distinction qu’il fait. Après avoir exposé toutes les voies de douceur dont on usa envers Morelli, le tems qu’on lui donna pour se ranger, la procédure lente & réguliere qu’on suivit avant que son Livre fût brûlé, il ajoute : "Toute cette marche est très-sage. Mais en faut-il conclure que dans tous les cas, & dans des cas très-différens, il en faille absolument tenir une semblable ? Doit-on procéder contre un homme absent qui attaque la Religion, de la même maniere qu’on procéderoit contre un homme