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par-tout où vous m’avez réfuté, vous avez mal raisonné, & par-tout où vous m’avez insulté, vous m’avez calomnié. Mais quand on ne marche que la preuve à la main, quand on est forcé par l’importance du sujet & par la qualité de l’adversaire à prendre une marche pesante & à suivre pied-à-pied toutes ses censures, pour chaque mot il faut des pages ; & tandis qu’une courte satyre amuse, une longue défense ennuye. Cependant il faut que je me défende ou que je reste chargé par vous des plus fausses imputations. Je me défendrai donc, mais je défendrai mon honneur plutôt que mon livre. Ce n’est point la profession de foi du Vicaire Savoyard que j’examine, c’est le Mandement de l’Archevêque de Paris, & ce n’est que le mal qu’il dit de l’Editeur qui me force à parler de l’ouvrage. Je me rendrai ce que je me dois, parce que je le dois ; mais sans ignorer que c’est une position bien triste que d’avoir à se plaindre d’un homme plus puissant que soi, & que c’est une bien fade lecture que la justification d’un innocent.

Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j’ai raisonné dans tous mes Ecrits, & que j’ai développé dans ce dernier avec toute la clarté dont j’étois capable, est que l’homme est un être naturellement bon, aimant la justice & l’ordre ; qu’il n’y a point de perversité originelle dans le cœur humain, & que les premiers mouvemens de la nature sont toujours droits. J’ai fait voir que l’unique passion qui naisse avec l’homme, savoir l’amour-propre, est une passion indifférente en elle-même au bien & au mal ; qu’elle ne devient bonne ou mauvaise que par accident &