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de l’injustice ; ce ne sont point mes idées que je défends, c’est ma personne. Si l’on n’eût attaqué que mes Livres, j’aurois constamment gardé le silence ; c’étoit un point résolu. Depuis ma déclaration, faite en 1753, m’a-t-on vu répondre à quelqu’un, on me taisois-je faute d’agresseurs ? Mais quand on me poursuit, quand on me décrete, quand on me déshonore pour avoir dit ce que je ne l’ai pas dit, il faut bien, pour me défendre, montrer que je ne l’ai pas dit. Ce sont mes ennemis, qui, malgré moi, me remettent la plume à la main. Eh ! qu’ils me laissent en repos, & j’y laisserai le Public ; j’en donne de bon cœur ma parole.

Ceci sert déjà de réponse à l’objection rétorsive que j’ai prevenue, de vouloir faire moi-même le réformateur en bravant les opinions de tout mon siecle ; car rien n’a moins l’air de bravade pareil langage, & ce n’est pas assurément prendre un ton de Prophete que de parler avec tant de circonspection. J’ai regardé comme un devoir de dire mon sentiment en choses importantes & utiles ; mais ai-je dit un mot, ai-je fait un pas pour le faire adopter à d’autres ? quelqu’un a-t-il vu dans ma conduite l’air d’un homme qui cherchoit à se faire des sectateurs ?

En transcrivant l’Ecrit particulier qui fait tant d’imprévus zélateurs de la Foi, j’avertis encore le Lecteur qu’il doit se défier de mes jugements ; que c’est à lui de voir s’il peut tirer de cet Ecrit quelques réflexions utiles, que je ne lui propose ni le sentiment d’autrui ni le mien pour regle, que je le lui présente à examiner. *

[* Emile. T. II. p. 360. ]