Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/211

Cette page n’a pas encore été corrigée

étroit autour d’eux. Mais la sphere s’étend à mesure que les hommes s’instruisent & qu’ils sentent combien il leur reste encore à savoir. Le grand Physicien voit si loin les bornes de cette sphere, qu’il ne sauroit discerner un miracle au-delà. Cela ne se peut est un mot qui sort rarement de la bouche des Sages ; ils disent plus fréquemment, je ne sais.

Que devons-nous donc penser de tant de miracles rapportés par des Auteurs, véridiques, je n’en doute pas, mais d’une si crasse ignorance, & si pleins d’ardeur pour la gloire de leur Maître ? Faut-il rejetter tous ces faits ? Non. Faut-il tous les admettre ? Je l’ignore. *

[* Il y en a dans l’Evangile qu’il n’est pas même possible de prendre au pied de la Lettre sans renoncer an bon sens. Tels sont, par exemple, ceux des possédés. On reconnoît le Diable à son œuvre, & les vrais possédés sont les méchants ; la raison n’en reconnoîtra jamais d’autres. Mais passons : voici plus.

Jésus demande à un groupe de Démons comment il s’appelle. Quoi ! les Démons ont des noms ? Les Anges ont des noms ? Les purs Esprits ont des noms ? Sans doute pour s’entre-s’appeller entre eux, ou pour entendre quand Dieu les appelle ? Mais qui leur a donné ces noms ? En quelle langue en sont les mots ? Quelles sont les bouches qui prononcent ces mots, les oreilles que leurs sous frappent ? Ce nom, c’est Légion, car ils sont plusieurs, ce qu’apparemment Jésus ne savoit pas. Ces Anges, ces Intelligences sublimes dans le mal comme dans le bien, ces Etres célestes qui ont pu se révolter contre Dieu, qui osent combattre ses Décrets éternels, se logent en tas dans le corps d’un homme : forcés d’abandonner ce malheureux, ils demandent de se jetter dans un troupeau de cochons ; ils l’obtiennent, & ces cochons se précipitent dans la mer ; & ce sont là les augustes preuves de la mission du Rédempteur du Genre-humain, les preuves qui doivent l’attester à tous les Peuples de tous les âges, & dont nul ne sauroit douter, sous peine de damnation ! Juste Dieu ! La tête tourne ; on ne sait où l’on est. Ce sont donc là, Messieurs, les fondemens de votre foi ? La mienne en a de plus sûrs, ce me semble. ] Nous devons les respecter