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morale à constater des faits naturellement impossibles, puis qu’alors le principe même de la crédibilité, fondé sur la possibilité naturelle, est en défaut. Si les hommes veulent bien, en pareil cas, admettre cette preuve dans des choses de pure spéculation, ou dans des faits dont la vérité ne les touche guere, assurons-nous qu’ils seroient plus difficiles s’il s’agissoit pour eux du moindre intérêt temporel. Supposons qu’un mort vînt redemander ses biens à ses héritiers, affirmant qu’il est ressuscité, & requérant d’être admis à la preuve ;*

[ *Prenez bien garde que dans ma supposition c’est une résurrection véritable, & non pas une fausse mort, qu’il s’agit de constater. ] croyez-vous qu’il y ait un seul Tribunal sur la terre où cela lui fut accordé ? Mais encore un coup n’entamons pas ici ce débat : laissons aux faits toute la certitude qu’on leur donne, & contentons-nous de distinguer ce que le sens peut attester de ce que la raison peut conclure.

Puisqu’un miracle est une exception aux Loix de la nature, pour en juger il faut connoître ces Loix, & pour en juger sûrement, il faut les connoître toutes : car une seule qu’on ne connoîtroit pas, pourroit, en certains cas, inconnus aux Spectateurs, changer l’effet de celles qu’on connoîtroit. Ainsi, celui qui prononce qu’un tel on tel acte est un miracle, déclare qu’il connoît toutes les Loix de la nature, & qu’il sait que cet acte en est une exception.

Mais quel est ce mortel qui connoît toutes les Loix de la nature ? Newton ne se vantoit pas de les connoîtra. Un homme sage, témoin d’un fait inouÏ, peut attester qu’il a vu ce fait, & l’on peut le croire ; mais ni cet homme sage ni nul autre homme