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Vous voyez, Monsieur, qu’il est attesté par l’Ecriture même, que dans la mission de Jésus-Christ les miracles ne sont point un signe tellement nécessaire à la foi qu’on n’en puisse avoir sans les admettre. Accordons que d’autres passages présentent un sens contraire à ceux-ci, ceux-ci réciproquement présentent un sens contraire aux autres ; & alors je choisis, usant de mon droit, celui de ces sens qui me paroît le plus raisonnable & le plus clair. Si d’avois l’orgueil de vouloir tout expliquer, je pourrois, en vrai Théologien, tordre & tirer chaque passage à mon sens ; mais la bonne foi ne me permet point ces interprétations sophistiques : suffisamment autorisé dans mon sentiment*

[* Ce sentiment ne m’est point tellement particulier, qu’il ne soit aussi celui de plusieurs Théologiens dont l’orthodoxie est mieux établie que celle du Clergé de Geneve. Voici ce que m’écrivoit là-dessus un de ces Messieurs, le 28 Février 1764.

"Quoi qu’en dise la cohue des modernes Apologistes du Christianisme, je suis persuadé qu’il n’y a pas un mot dans les Livres sacrés d’où l’on puisse légitimement conclure que les miracles aient été destinés à servir de preuves pour les hommes de tous les tems & de tous les lieux. Bien-loin de-là, ce n’étoit pas, à mon avis, le principal objet pour ceux qui en furent les témoins oculaires. Lorsque les Juifs demandoient des miracles à saint Paul, pour toute réponse il leur prêchoit Jésus crucifié. À coup sûr si Grotius, les Auteurs de la société de Boyle, Vernes, Vernet, &c. eussent été à la place de cet Apôtre, ils n’auroient rien eu de plus pressé que d’envoyer chercher des tréteaux pour satisfaire à une demande qui quadre si bien avec leurs principes. Ces gens-là croient faire merveille avec leur ramas d’argumens ; mais un jour on doutera, j’espere, s’ils n’ont pas été compilés par une société d’incrédules, sans qu’il faille être Hardouin pour cela. "

Qu’on ne pense pas, au reste, que l’Auteur de cette Lettre soit mon Partisan ; tant s’en faut : il est un de mes Adversaires. Il trouve seulement que les autres ne savent ce qu’ils disent. Il soupçonne peut-être pis : car la foi de ceux qui croient sur les miracles sera toujours très-suspecte aux gens éclairés. C’étoit le sentiment d’un des plus illustres réformateurs. Non satis tuta fides eorum qui miraculis nituntur. Bez. in Joan, C. II. v. 23. ] par ce que je comprends, je reste en paix sur ce que je ne comprends pas, & que ceux qui me l’expliquent me font encore moins comprendre. L’autorité que je donne à l’Evangile, je ne la donne point aux interprétations des hommes, & je n’entends