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conçoit que les Juifs alloient cherchant cette preuve où Jésus ne vouloit point qu’elle fût. Celui qui me rejette a, disoit-il, qui le juge. Ajoutoit-il, les miracles que j’ai faits le condamneront ? Non ; mais la parole que j’ai portée le condamnera. La preuve est donc dans la parole, & non pas dans les miracles.

On voit dans l’Evangile que ceux de Jésus étoient tous utiles ; mais ils étoient sans éclat, sans apprêt, sans pompe ; ils étoient simples comme ses discours, comme sa vie, comme toute sa conduite. Le plus apparent, le plus palpable qu’il ait fait, est sans contredit celui de la multiplication des cinq pains & des deux poissons, qui nourrirent cinq mille hommes. Non-seulement ses Disciples avoient vu le miracle, mais il avoit pour ainsi dire passé par leurs mains ; & cependant ils n’y pensoient pas, ils ne s’en doutoient presque pas. Concevez vous qu’on puisse donner pour signes notoires au Genre-humain, dans tous les siecles, des faits auxquels les témoins les plus immédiats font à peine attention ?*

[* Marc. VI. 52. Il est dit que c’etoit a cause que leur cœur etoit stupide ; mais qui s’oseroit vanter d’avoir un cœur plus intelligent dans les choses saintes que les Disciples choisis par Jésus ?]

Et tant s’en faut que l’objet réel des miracles de Jésus fût d’établir la foi, qu’au contraire il commençoit par exiger la foi avant que de faire le miracle. Rien n’est si fréquent dans l’Evangile. C’est précisément pour cela, c’est parce qu’un Prophete n’est sans honneur que dans son Pays,