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de Dieu pour annoncer sa parole ; leur sainteté, leur véracité, leur justice, leurs mœurs pures & sans tache, leurs vertus inaccessibles aux passions humaines, sont, avec les qualités de l’entendement, la raison, l’esprit, le savoir, la prudence, autant d’indices respectables, dont la réunion, quand rien ne s’y dément, forme une preuve complete en leur faveur, & dit qu’ils sont plus que des hommes. Ceci est le signe qui frappe par préférence les gens bons & droits, qui voient la vérité par-tout où ils voient la justice, & n’entendent la voix de Dieu que dans la bouche de la vertu. Ce caractere a sa certitude encore, mais il n’est pas impossible qu’il trompe ; & ce n’est pas un prodige qu’un imposteur abuse les gens de bien, ni qu’un homme de bien s’abuse lui-même, entraîné par l’ardeur d’un saint zele qu’il prendra pour de l’inspiration.

Le troisieme caractere des Envoyés de Dieu, est une émanation de la Puissance divine, qui peut interrompre & changer le cours de la nature à la volonté de ceux qui reçoivent cette émanation. Ce caractere est sans contredit le plus brillant des trois, le plus frappant, le plus prompt à sauter aux yeux ; celui qui, se marquant par un effet subit & sensible, semble exiger le moins d’examen & de discussion : par-là ce caractere est aussi celui qui saisit spécialement le Peuple, incapable de raisonnemens suivis, d’observations lentes & sûres, & en toute chose esclave de ses sens : mais c’est ce qui rend ce même caractere équivoque, comme il sera prouvé ci-après ; & en effet, pourvu qu’il frappe ceux auxquels il est destiné, qu’importe qu’il soit apparent ou réel ? C’est