J’ai supposé, Monsieur, dans ma précédente Lettre, que
j’avois commis en effet contre la Foi les erreurs dont on m’accuse,
& j’ai fait voir que ces erreurs n’étant point nuisibles
à la société, n’étoient pas punissables devant la justice humaine.
Dieu s’est réservé sa propre défense, & le châtiment des fautes
qui n’offensent que lui. C’est un sacrilege à des hommes de
se faire les vengeurs de la Divinité, comme si leur protection
lui étoit nécessaire. Les Magistrats, les Rois, n’ont aucune
autorité sur les ames ; & pourvu qu’on soit fidele aux Loix
de la société dans ce monde, ce n’est point à eux de se
mêler de ce qu’on deviendra dans l’autre, où ils n’ont aucune
inspection. Si l’on perdoit ce principe de vue, les Loix faites
pour le bonheur du Genre-humain en seroient bientôt le tourment ;
&, sous leur inquisition terrible, les hommes, jugés
par leur foi plus que par leurs œuvres, seroient tous à la
merci de quiconque voudroit les opprimer.
Si les Loix n’ont nulle autorité sur les sentimens des hommes en ce qui tient uniquement à la Religion, elles n’en ont point non plus en cette partie sur les Écrits où l’on manifeste ces sentimens. Si les Auteurs de ces Écrits sont punissables, ce n’est jamais précisément pour avoir enseigné l’erreur, puisque la Loi ni ses Ministres ne jugent pas de ce qui n’est précisément qu’une erreur. L’Auteur des Lettres écrites de la