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a dit que la Musulmane étoit la meilleure pour les Contrées Asiatiques. Il raisonnoit en politique, & moi aussi. Dans quel pays a-t-on cherché querelle, je ne dis pas à l’Auteur, mais au Livre ?*

[* Il est bon de remarquer que le Livre de l’Esprit des Loix fut imprimé pour la premiere fois à Geneve, sans que les Scholarques y trouvassent rien à reprendre, & que ce fut un Pasteur qui corrigea l’Edition. ] Pourquoi donc suis-je coupable, ou pourquoi ne l’étoit-il pas ?

Voilà, Monsieur, comment, par des extraits fidèles, un critique équitable parvient à connoître les vrais sentimens d’un Auteur, & le dessein dans lequel il a composé son Livre. Qu’on examine tous les miens par cette méthode, je ne crains point les jugemens que tout honnête homme en pourra porter. Mais ce n’est pas ainsi que ces Messieurs s’y prennent, ils n’ont garde, ils n’y trouveroient pas ce qu’ils cherchent. Dans le projet de me rendre coupable à tout prix, ils écartent le vrai but de l’ouvrage ; ils lui donnent pour but chaque erreur, chaque négligence échappée a l’Auteur : & si par hasard il laisse un passage équivoque, ils ne manquent pas de l’interpréter dans le sens qui n’est pas le sien. Sur un grand champ couvert d’une moisson fertile, ils vont triant avec soin quelques mauvaises plantes, pour accuser celui qui l’a semé d’être un empoisonneur.

Mes propositions ne pouvoient faire aucun mal à leur place ; elles étoient vraies, utiles, honnêtes, dans le sens que je leur donnois. Ce sont leurs falsifications, leurs subreptions, leurs interprétations frauduleuses qui les rendent punissables : il faut les brûler dans leurs Livres, & les couronner dans les miens.