Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/137

Cette page n’a pas encore été corrigée

préliminaires ; que l’Article 88 de l’Ordonnance Ecclésiastique avoit été violé dans ce jugement ; que la procédure, faite en 1562 contre Jean Morelli à forme de cet Article, en montroit clairement l’usage, & donnoit par cet exemple, une jurisprudence qu’on n’auroit pas dû mépriser ; que cette nouvelle maniere de procéder étoit même contraire à la règle du Droit naturel admise chez tous les Peuples, laquelle exige que nul ne soit condamné sans avoir été entendu dans ses défenses ; qu’on ne peut flétrir un Ouvrage, sans flétrir en même-tems l’Auteur dont il porte le nom ; qu’on ne voit pas quelles exceptions & défenses il reste à un homme déclaré impie, téméraire, scandaleux dans ses Ecrits, & après la sentence rendue & exécutée contre ses mêmes Ecrits, puisque les choses n’étant point susceptibles d’infamie, celle qui résulte de la combustion d’un Livre par la main du bourreau, rejaillit nécessairement sur l’Auteur : d’ou il suit qu’on a pu enlever à un Citoyen le bien le plus précieux, l’honneur ; qu’on ne pouvoit détruire sa réputation, son état, sans commencer par l’entendre ; que les Ouvrages condamnés & flétris méritoient du moins autant de support & de tolérance que divers autres Ecrits où l’on fait de cruelles satires sur la Religion, & qui ont été répandus & même imprimés dans la Ville ; qu’enfin, par rapport aux Gouvernemens, il a toujours été permis dans Geneve de raisonner librement sur cette matière générale, qu’on n’y défend aucun Livre qui en traité, qu’on n’y flétrit aucun Auteur pour en avoir traité, quel que soit son sentiment ; & que, loin d’attaquer